Page:Eugène Le Roy - Au pays des pierres, 1906.djvu/54

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soudain, et la belle Reine s’avance, calme, vers un nouveau danseur, car dans le congo les couples qui dansent ensemble tournent en rond autour de la salle, les cavaliers passant successivement d’une danseuse à l’autre.

À la sortie du bal, Kérado s’en fut par les rues, où la lune projetait les ombres dentelées des pignons comme de gigantesques scies, et monta sur le chemin des Jouvencelles où il se promena longtemps, le chapeau à la main, livrant sa tête brûlante à la bise aigre de la nuit. Puis, un peu calmé par cette douche d’air froid, il rentra chez lui en passant par la rue du Grel.

La période qui va de la mi-carême à Pâques est, à Montglat, un temps de mortification pour les amoureux. Les filles, même les moins sévères, tiennent à faire leurs dévotions ; c’est une question de coutume et de convenance religieuse.

Nani, moussur ! disait en riant Adélaïde, la plus jeune sœur de Virginie, à Gaudet qui l’arraisonnait un soir ; il faut que je fasse mes Pâques !

Kérado, lui, était habitué en tout temps à ce régime d’abstinence, car il n’avait jamais voulu profiter des occasions de plaisir facile qui s’étaient offertes à lui. Cependant, cette situation commençait à le lasser. Sa fidélité à sa chère Reine était entière ; mais il était jeune, amoureux, et il la désirait avec une ardeur que ne laissait pas soupçonner sa contenance froide.

— Kérado file le parfait amour ! Kérado fait