Page:Eugène Le Roy - Au pays des pierres, 1906.djvu/57

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lorsque le temps le permettait, elle allait au jardin avec son ouvrage. Le jardin du coutelier était un de ceux qui bordaient les rochers. Des murailles tapissées de treilles, de pêchers, le séparaient des autres, et, du côté de la ville, un chemin bordé de murs y donnait accès par une porte fermant à clef. Au milieu, sous un gros prunier, était un cabanon où Reine travaillait. De là, elle laissait parfois ses yeux errer sur le cours de la rivière, qui se déroulait lentement le long de la vallée comme un immense serpent aux écailles d’argent. De l’autre côté, en face, s’étageaient des collines irrégulièrement découpées, avec des roches pittoresques, des bois d’yeuses à la verdure sombre, des vignes, et des villages campés sur les croupes fauves. De ce massif saillaient par endroits des mamelons chauves aux belles lignes antiques, et des puys escarpés couronnés de ruines recuites et dorées par le soleil des âges. La petite regardait tout cela distraitement ; elle pensait à son cher Yves et désirait le revoir… Mais de retourner du côté du château ruiné elle n’osait, Capdefer étant fort capable de l’épier sans se montrer.

Ah ! s’il avait été là dans ce jardin où elle était seule, libre, et, par la porte barrée, à l’abri des indiscrets ! Cette pensée la fit rougir.

Cependant le mois de mai vint. Le temps était doux ; la terre, échauffée par le soleil, fermentait et dégageait ces effluves troublants du renouveau de l’année qui incitent tous les êtres à aimer… Dans l’église illuminée, embaumée, devant l’autel de