Page:Eugène Le Roy - Au pays des pierres, 1906.djvu/69

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deux étaient adroits et vigoureux, mais tandis que Kérado cherchait seulement à terrasser son adversaire, il s’aperçut que celui-ci s’efforçait de le pousser vers le bord des rochers à pic. Alors, par un effort soudain, il porta son homme à terre et tomba sur lui. L’autre parvint à se dégager un peu, et, continuant sa manœuvre, il poussait toujours Kérado vers l’abîme, s’arc-boutant de la pointe des pieds sur le sol pour s’aider. Étroitement enlacés comme ils l’étaient, si l’un fût tombé, l’autre l’eût suivi ; néanmoins, l’homme continuait ses efforts, auxquels Yves résistait énergiquement, rejetant son adversaire de quelques pouces en arrière. Malgré tout, en se roulant à terre, en se poussant, en se saboulant dans l’obscurité, muets, furieux, haletants, tous deux s’étaient rapprochés de l’escarpement et avaient un pied dans le vide, lorsqu’arrivèrent des promeneurs qui, oyant le bruit de la lutte, s’approchèrent et tirèrent les deux antagonistes en arrière.

— Tiens ! c’est vous, monsieur Kérado ! dit Gérard, après avoir fait craquer une allumette, — et qui est votre homme ? ajouta-t-il en se retournant.

Mais l’autre avait déjà disparu.

— Ma foi, répondit le Breton, je n’ai ni vu la figure, ni ouï la voix de cet enragé qui m’a assailli sans rime ni raison ! Mais tout de même, en vous remerciant ! Nous aurions probablement été ramassés tous les deux au pied des rochers, aplatis comme des crêpes !

Le lendemain, Capdefer, sombre, travaillait à