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Page:Eugène Le Roy - Carnet de notes d’une excursion de quinze jours en Périgord, 1901.djvu/23

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Belvès, ancienne seigneurie des archevêques de Bordeaux, a soutenu plusieurs sièges. En 1442, Jean de Bretagne, comte de Penthièvre et de Périgord, l’enleva aux Anglais, ces antiques ennemis de la France.

Après avoir déjeuné, nous prenons le train pour le Buisson, d’où j’espère gagner Cadouin. Déception ; le courrier ne part qu’à quatre heures du soir ; il faudrait perdre toute la journée du lendemain ; nous renonçons à Cadouin. En attendant le train du Bugue, je mets mes notes à jour et puis nous promenons notre déconvenue le long d’interminables tas de bois de châtaignier qui, là comme dans toutes les stations, encombrent les abords des lignes. Bientôt les châtaigneraies du Périgord ne seront plus qu’un souvenir.

Enfin nous partons et, vers cinq heures, nous traversons une partie de la coquette petite ville du Bugue. L’omnibus nous dépose à l’Hôtel de France, d’où l’on a une superbe vue sur la rivière et sur la plaine. Le pont est là, à quelque pas et je vais m’y promener. La brume du soir commence à flotter en rasant l’herbe des prés. Pas la moindre brise. À l’occident, le soleil descend lentement derrière les collines du Cingle aux pentes dénudées, en tamisant une lumière dorée dans laquelle se dressent les peupliers immobiles. La teinte d’or du couchant se reflète dans les eaux tranquilles, où les arbres de la rive semblent prendre un bain de lumière. À gauche, au fond de la vallée, les hautes collines boisées s’obscurcissent, et tout en haut, sur une cime, pointe éclairé par un dernier rayon du soleil, le clocher d’Audrix, l’ancien archiprêtré transféré à Montignac au dix-septième siècle. Puis le crépuscule s’étend, la nuit tombe et la lune monte lentement dans le ciel pur, comme un énorme louis d’or pâle à l’effigie usée par le frai.

Ding ! Ding ! Ding !

C’est la cloche du dîner.

L’homme ne vit pas seulement de poésie, mais encore, à l’occasion, de toutes sortes de bonnes choses. D’ailleurs, il y a aussi de la poésie dans un bon dîner bien servi.

Celui-ci était excellent, plantureux, et arrosé de bon vin du Périgord. Il y avait notamment une soupe maigre aux légumes, qui, à elle seule, valait le voyage du Bugue. Bref, j’ai retrouvé là, avec plaisir, cette bonne vieille cuisine périgordine, relevée, savoureuse, succulente, qu’on ne connaît plus à Périgueux, ni à quelques exceptions près, comme celles que j’ai citées, guère dans le département.

Il y en a peut-être qui diront que je suis payé pour faire de la réclame aux maîtres d’hôtel ; mais, comme disait le vieux brisquard, je suis du régiment de Champagne et je m’en f…

Le lendemain à sept heures, nous partons pour Limeuil par le courrier de Ste-Alvère. Dans la mauvaise voiture découverte, il y a un entassement