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Page:Eugène Le Roy - Carnet de notes d’une excursion de quinze jours en Périgord, 1901.djvu/24

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de paquets hétéroclites, et de journaux de toute nuance qui vont porter la pâture politique aux bonnes gens des campagnes, et fournir des arguments aux politiciens des : Cafés du Centre, du Nord et autres points cardinaux. Derrière la guimbarde, on a attaché une immense panière qui a dû servir à transporter des champignons, très abondants en ce moment dans les bois.

À cette heure matinale, le soleil n’a pas entièrement dissipé les brumes qui flottent dans la vallée. L’air est frais, la Vézère fume et, à certains endroits, bruit sur les galets des maigres. Nous suivons la route du Cingle qui côtoie la rivière à une certaine hauteur, assez pour permettre d’admirer de l’autre côté de l’eau la belle plaine avec ses prairies bordées de peupliers, ses terres cultivées, ses vignes et ses maisons éparses. Au loin, des collines dénudées ou semées par places de chênes rabougris ferment l’horizon. Çà et là, le long de la route, des noyers, des bouquets d’arbres, rompent la monotonie des terres grises d’où monte, par instants, le ha ! ha ! du laboureur faisant les semailles d’automne.

Après avoir passé en vue de la belle habitation de Peschière, un chien accourt au bruit des grelots et aboie interrogativement en regardant le courrier. Celui-ci lui jette la Petite Gironde ; l’intelligente bête la ramasse et, au galop, l’emporte à son maître, dont la maison se voit à une petite distance.

— Tous les matins il vient comme ça chercher le journal, nous dit l’homme.

À neuf heures, nous sommes à Limeuil, ancienne châtellenie, formée, au quatorzième siècle, d’un démembrement de celle de Montignac. Un pont de construction récente traverse la Vézère, juste au confluent, et un autre en équerre au bout de celui-là, franchit la Dordogne. Tous les deux sont très étroits, deux charrettes ne s’y croiseraient pas : intelligente économie. Du pont de la Dordogne, on a une belle vue de Limeuil qui est situé à l’extrémité et sur le flanc d’une colline escarpée. Les maisons s’étagent pittoresquement en escaladant les pentes, séparées quelquefois par des rochers, des terrasses et des jardins. Quelques vieux pans de murs revêtus de lierre, soutiennent d’anciennes habitations, et, en bas, une porte de la vieille ville fortifiée débouche sur la grève, au pied de la colline où se réunissent les deux rivières.

En attendant le déjeuner commandé à l’Ancre de Salut, nous descendons la rive gauche de la Dordogne en suivant le chemin de halage. Quelle charmante promenade ! Sur l’autre rive, des coteaux arides et abrupts, où paissent des moutons qui semblent dégringoler dans la rivière. Deux troupeaux d’oies descendues des métairies voisines, évoluent sur les eaux claires, comme deux flottes qui s’observent. Puis les falaises à pic se rompent en une immense brèche où, tout au fond du ravin, se trouve caché dans la verdure, le moulin de Sors. Un clair ruisseau, le Pradel, fait tourner