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Page:Eugène Le Roy - Carnet de notes d’une excursion de quinze jours en Périgord, 1901.djvu/36

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gorges rocheuses, resserrées, boisées, et des ruines fièrement campées sur des falaises gigantesques ou des puys abrupts.

Et, soudain, tandis que je revoyais tout cela par la pensée, le refrain de la chanson de Clédat vint chanter dans ma mémoire :

Couneissen gaire la Vezero,
Lous que s’en van courre bien loun ;
Urous ei lou que se lesero,
A segre coustal ou valloun
Lou loun
De la Vezero !

En montant au château, on remarque une plaque de marbre, sur la maison où naquit le philosophe Joubert, le 7 mai 1754. Plus haut, en suivant un petit chemin pierreux qui monte sur la hauteur où était situé l’ancien prieuré de Saint-Thomas, on trouve, encore ouverte, la tranchée de Boucicaut. C’est par là que le maréchal battit la place avec ses canons et ses machines de guerre. Quoique fortement endommagé par deux mois de siège, le château conserva des restes assez importants et fut suffisamment réparé, pour qu’on y ait tenu les États du Périgord en 1560, 1597 et 1601.

Sur la rive gauche, une rue Lachambaudie rappelle le souvenir du fabuliste connu. J’ai une fable qu’on m’a donnée comme une de ses œuvres inédites : malheureusement elle est trop naturaliste pour être logée ici.

Après deux agréables journées passées à Montignac, nous reprenons le train pour Hautefort. La voie qui suit le bas du coteau de l’Arzême a coupé court à une dévotion naissante, en enlevant une simili-grotte de Lourdes, où des plaques de marbre constataient déjà des miracles, — ou quelque chose d’approchant.

Sur cette vieille terre du Périgord on rencontre à chaque pas des souvenirs historiques. Voici Sauvebœuf où fut relégué Mirabeau, par une des nombreuses lettres de cachet que lui prodiguait son père, l’Ami des hommes. Le château actuel est bâti sur l’emplacement d’un autre, rasé, selon la tradition, pour crime de rébellion du seigneur.

Sauvebœuf a une légende. En la publiant dans une revue, j’ai dit en note que cette démolition du château primitif a pu avoir lieu au temps où le marquis de Sauvebœuf servait dans les troupes de la Fronde. Depuis, j’ai vu dans l’Histoire de la guerre de Guyenne, du colonel Baltazar, que le marquis avait un commandement dans l’armée royale, sous le comte d’Harcourt, et qu’il fut même frotté d’importance dans un combat livré à la Combe-des-Dames, près de Périgueux, par ce colonel qui commandait en cette rencontre les troupes du prince de Condé.