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Page:Eugène Le Roy - Carnet de notes d’une excursion de quinze jours en Périgord, 1901.djvu/8

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Voici Bonrecueil, au nom jovent, propriété de mon très cher ami Dusolier qui, depuis que j’ai passé là, a été si cruellement éprouvé par un deuil irréparable dont l’universelle sympathie de ses concitoyens amortit à peine la douleur. Les murs du vaste jardin bordent la route, et à une extrémité se dresse un grand pigeonnier en forme de tour, aux boulins vides maintenant. Par dessus les murs, on aperçoit, montant vers le ciel, un immense peuplier, plusieurs fois centenaire, crû près du canal de l’ancienne forge, et dont le tronc vigoureux mesure exactement cinq mètres quarante de tour. Ce devait être un bonheur que de vivre là, au milieu de cette belle nature, entouré de sa famille, en regardant, de la terrasse du château, couler la jolie petite rivière aux eaux claires et poissonneuses ; en rêvant à l’ombre près de la fraîche fontaine :

« qui sort en frissonnant d’un bouquet de cresson ».
Mais un souvenir funèbre attristera désormais ce riant coin de terre…
Bonrecueuil

Le crépuscule descend maintenant, et avec lui les premières fraîcheurs d’automne, plus sensibles après des journées brûlantes qui feraient croire à une erreur de l’almanach. Nous passons sans nous arrêter à Saint-Sulpice ; puis la nuit tombe et il est tard lorsque nous arrivons à Mareuil.

Nous sommes descendus à l’hôtel du Commerce, bon établissement tenu avec goût et propreté. L’heure du dîner est passée, mais bientôt un feu clair de copeaux brille dans une belle et spacieuse salle à manger, et nous nous chauffons l’échine tandis qu’on dresse le couvert, avec serviettes bouillonnées, et le menu du souper adossé au verre.

Bonne chère, bon vin, bonne figure d’hôte, et prix plus modérés que dans certaines gargotes trouvées sur notre chemin.