Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/137

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que j’avais fait ce coup. Un beau jour, pensais-je, je le lui dirai bien ; mais, pour le moment c’était trop dangereux. La mort de mon père ne l’avait pas saoulé, d’ailleurs, et il cherchait encore à nous faire du mal à nous autres. Pour nous faire quitter le pays, et nous ôter le pain de la main, il voulut d’abord acheter la tuilière où nous demeurions ; mais l’homme à qui elle appartenait, qui ne l’aimait guère, comme tout le monde dans le pays, du reste, refusa de la lui vendre. N’ayant pas réussi de ce côté, il imagina de faire revenir le fils de chez Tâpy, là où travaillait ma mère, lequel avait assez de la vache enragée du régiment, quoiqu’il se fût enrôlé volontairement. Le comte agit si bien qu’il lui fit avoir son congé, je ne sais sous quel prétexte ; mais, en ce temps-là, les nobles comme lui faisaient tout ce qu’ils voulaient.

Voilà donc ma mère encore une fois chômant et à se demander d’où elle tirerait le pain. Juste en cet instant, comme pour répondre à la méchanceté du comte, un autre de ses chiens se prend encore à un seton ; mais, cette fois, on le trouva, et Mascret dit :

— Si Martissou n’était pas mort aux galères, je jurerais que c’est lui qui a fait et posé ce collet !

Mais ça n’alla pas plus loin pour le moment : on crut que le chien s’était pris à un seton tendu pour le lièvre, comme ça arrive quelquefois.