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Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/146

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sur les braises. L’herbe flamba rapidement : j’y ajoutai quelques brindilles, et, à mesure que le feu prenait, des petits morceaux de branches mortes. Après qu’il fut bien allumé, j’y jetai une brassée des broussailles sèches que j’avais amassées et, incontinent, la flamme monta, gagnant le bois. Bientôt, sous l’action du vent, le taillis fut en feu, et je me sauvai comme j’étais venu, par les fourrés, emportant le sabot qui m’aurait dénoncé.

Arrivé à la tuilière, les mains saignantes, les jambes éraflées par les ronces, je me couchai tout habillé, agité, inquiet, ne craignant qu’une seule chose, que le feu ne s’éteignît de lui-même, ou par l’orage qui ronflait au loin. Vers une heure après minuit, j’entendis de grands bruits, et, me levant, je sortis. Le tocsin sonnait aux clochers d’alentour, avec des tintements pressés, sinistres. Une immense lueur rouge ensanglantait les nuages qui s’enfuyaient emportés par le vent, et éclairait les coteaux. Des clameurs montaient des villages voisins de la forêt : l’Herm, Prisse, Les Foucaudies, La Lande ; et, au milieu des bois, on entendait les cris des gens des Maurezies, de la Cabane, du Lac-Viel, de La Granval, qui couraient au secours.

Alors je fus pris d’un grandissime désir de contempler mon ouvrage. Ayant laissé passer ces gens, je gagnai à travers les coupes un des endroits les plus élevés de la forêt, où il y avait un grand hêtre sur lequel j’étais monté plus