Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/149

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Le dimanche, quand vint ma mère passer la journée à la tuilière, elle me demanda si je n’avais pas eu peur, la nuit de l’incendie, à quoi je répondis que non, et que, tout à l’opposé, je m’étais réjoui en voyant brûler les bois du comte.

À l’air dont je dis cela, elle me regarda, prise d’un soupçon, et puis, comprenant tout à coup, se jeta sur moi, m’enleva contre sa poitrine et m’embrassa furieusement.

— Ah ! dit-elle en me reposant à terre, il ne sera jamais assez puni !


Trois ou quatre jours après, les fenaisons finies, la pauvre femme revenait tard, recrue, épuisée de fatigue, pour avoir peiné toute une longue journée de quinze heures sous un soleil pesant. Elle se hâtait fort afin d’arriver avant l’orage qui la suivait, mais elle eut beau se presser, un peu après avoir passé La Salvetat, les nuages crevèrent à grand bruit, et toute en sueur, haletante, une pluie froide mêlée de grêlons lui tomba dessus, de manière qu’au bout de trois quarts d’heure, lorsqu’elle arriva sous cette pluie battante, trempée jusqu’à la peau, elle triboulait, c’est-à-dire grelottait, et n’en pouvait plus. N’ayant pas d’autres habillements pour se changer, elle se coucha, et moi j’en fis autant. Toute la nuit, je la sentis contre moi, brûlante, agitée par la fièvre, et tourmentée dans son demi-sommeil de mauvais rêves qui la fai-