Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/188

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pouvais pas vaincre, c’était ma haine pour le comte de Nansac. Comme je viens de le dire, lors de ma première communion, j’avais bien tâché de le faire, de bonne foi, mais, huit jours après, je n’en avais même plus la volonté. Lorsque le passé douloureux de ma première enfance me revenait à la mémoire, je me disais que je serais un fils ingrat et dénaturé, si j’oubliais toutes les misères que cet homme nous avait faites, tous les malheurs qui nous étaient venus par lui. Et, quand je songeais à mon père mort aux galères, à ma mère agonisant dans toutes les angoisses du désespoir, ma haine se ravivait ardente, comme un feu de bûcherons sur lequel se lève le vent d’est.

On comprend que, dans ces dispositions, tout ce que j’apprenais au désavantage des Nansac me faisait grand plaisir. Un jour, j’eus de quoi me contenter. Étant au jardin à biner des pommes de terre, tandis que le curé et le chevalier se promenaient dans la grande allée du milieu, j’entendis raconter à ce dernier que l’aînée des demoiselles de Nansac était partie avec un freluquet, on ne savait où. Cela me fit prêter l’oreille, et j’ouïs tout ce que disait le chevalier :

— Moi, mon pauvre curé, je ne suis pas comme vous, ça ne m’étonne pas :


Elle a de qui tenir,
Le sang ne peut mentir.


— Que voulez-vous dire ?