Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/204

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— Jacquou ! dit-elle en me reconnaissant et en devenant toute rouge.

Alors je lui demandai le portage d’elle et de chez elle et j’appris bien des choses : que le vieux Géral s’était marié avec sa mère, et qu’elle était maintenant la fille de la maison.

Cette nouvelle ne me fit guère plaisir : j’aurais préféré la retrouver pauvre comme moi ; mais, au reste, j’étais si heureux de la revoir que ce ne fut qu’une contrariété d’un instant. Elle était toujours gente, la Lina. C’était maintenant une belle fille, de moyenne taille, bien faite et d’une jolie figure. Son mouchoir de tête laissait voir ses cheveux châtain clair ; ses yeux bruns et doux étaient abrités par de longs cils qui faisaient une ombre sur ses joues duvetées comme une pêche mûre, et sa petite bouche, rouge comme une fraise des bois, découvrait ses dents blanches lorsqu’elle riait :

— Que tu es donc joliette, Lina !

— Tu dis ça pour rire, Jacquou !

— Non, par ma foi, je le dis tel que je le pense.

— Les garçons disent tous comme ça.

— Ah ! il y en a donc qui te le disent ? fis-je, piqué de jalousie.

— On ne peut pas empêcher ça ; mais rien n’oblige de les croire.

— Et moi, dis ? me crois-tu ?

— Tu es curieux, Jacquou !… fit-elle en riant.

— Oh ! écoute, ma petite Lina ! depuis huit