Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/229

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la place où l’on dansait à l’ombre des gros ormeaux. Je dansai une contredanse et une bourrée avec Lina, autant avec la Bertrille, et nous revoilà sur le chemin tous les trois ; Lina et moi nous tenant par le petit doigt, comme c’est la coutume des amoureux, en remontant vers la chapelle où j’entrai seul. Les offices étaient finis, on avait donné la bénédiction, et les curés s’en allaient. Mais pour ça la chapelle ne désemplissait pas. Un autre curé avait relevé celui d’Aubas, qui disait les évangiles auparavant, et le fait est qu’il devait être fatigué. Pour le pauvre marguillier, qui était seul de marguillier, et qui ne voulait peut-être pas non plus quitter la soupière, il lui fallait rester là ; mais il se consolait en la voyant se remplir de sous parmi lesquels reluisaient des pièces de quinze et de trente sous, de tout quoi il comptait avoir sa part.

Et le saint frottait, frottait toujours, passant de mains en mains, toujours disputé, toujours tirassé par les gens impatients. À cause de la chaleur grande, tout ce monde s’était rafraîchi, quelques-uns un peu beaucoup ; de manière que la foule était plus bruyante qu’après la messe, et qu’il y en avait qui, rouges comme des coqs de redevance, empoignaient le saint et l’arrachaient à d’autres qui se rebiffaient comme de beaux diables, n’ayant pas eu le temps de se frotter. Dans cette chapelle, sentant la poussière moisie et le renfermé, il s’échappait de cette