Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/233

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content de cette journée, tout le plaisir que j’avais eu à la passer avec elle, et aussi comment nous pourrions faire pour nous revoir. Bertrille côtoyait Lina, mais, de temps en temps, la bonne fille faisait semblant de ramasser quelque fleurette sur le bord du chemin, et restait un peu en arrière pour nous mieux laisser causer. Lorsque nous fûmes aux Quatre-Bornes, j’aurais dû les quitter, mais je dis à Lina :

— Je vais aller avec vous autres un peu plus loin.

Et nous voilà suivant le chemin tracé par les charrettes à travers les grands bois châtaigniers. Nous étions si occupés à parler, Lina et moi, que nous fûmes près de l’Orlégie sans nous en être aperçus. Mais la Bertrille, qui, elle, était dépareillée, me dit alors :

— Vous ferez bien de nous laisser là ; il vaut mieux qu’on ne nous voie pas ensemble dans le village.

Ça m’ennuyait bien, mais, comme je sentais que c’était raisonnable, de crainte de faire avoir des reproches à Lina, je les laissai après les avoir embrassées toutes deux, Bertrille la première, et ma bonne amie si longuement que l’autre me dit en riant :

— Vous voulez donc la manger !

Je lâchai Lina sur ces paroles, et elles s’en furent. Pour moi, appuyant sur la gauche, j’allai descendre dans la combe qui vient de dessous Bars, et je suivis le ruisseau de Thonac, qui