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Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/278

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pensée, elle me faisait entrer chez eux en revenant de la messe, et même, des fois, me conviait à manger la soupe. Moi, je connaissais bien son manège, mais je ne refusais pas, pour être plus longtemps avec Lina. Après déjeuner, la vieille me promenait dans le bien, sous couleur de voir comment le revenu se comportait. En faisant notre tour, tandis que Lina vaquait au ménage, elle trouvait toujours moyen de me faire entendre que je lui convenais, et qu’elle voudrait bien que je fusse chez eux. Elle m’indiquait une terre restée en friche ou une vigne qu’on n’avait pas eu le temps de biner, faute d’un homme à la maison.

— C’est malheureux, disait-elle, que ça se trouve comme ça, que tu ne puisses pas sortir de La Granval. Tu vois, nous avons un grand bien, qui donnerait le double de revenu s’il y avait chez nous un jeune homme vaillant comme toi. Et puis enfin, en travaillant pour nous autres, tu travaillerais pour toi, puisque la Lina te trouve à son goût et que nous n’avons qu’elle de famille.

Et ce n’était pas seulement le bien qu’elle me montrait, mais les étables, le grenier garni de blé, le cellier où il y avait une trentaine de charges ou demi-barriques de vin, vieux en partie, car Géral avait toujours eu cette coutume d’en garder de chaque récolte pour le faire vieillir. Jusqu’aux lingères bondées de linge, jusqu’aux cabinets pleins d’affaires elle me montrait ; et