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Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/28

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comme c’est l’ordinaire des petits droles, je sortis sur le pas de la porte. Il était tombé de la neige toute la nuit ; dans notre cour, il y en avait deux pieds d’épaisseur, de manière qu’il avait fallu faire un chemin avec la pelle pour aller à la grange donner aux bestiaux. Du côté de la forêt, au loin, la lande n’était plus qu’une large plaine blanche, semée çà et là, de grandes touffes d’ajoncs, dont la verdure foncée s’apercevait au pied. Sur les coteaux, les maisons grisâtres, sous leurs tuilées chargées de neige, fumaient lentement. Là-bas, sur ma droite, j’apercevais le château de l’Herm avec ses tours noires coiffées d’une perruque blanche, comme le vieux marquis de Nansac. Devant moi, à une lieue de pays, les hauteurs de Tourtel, avec leurs arbres dépouillés et chargés de givre, cachaient le massif clocher de Rouffignac, où les cloches commençaient à campaner, appelant les gens à la messe. Un peu sur la droite, à demi-heure de chemin, la métairie de Puymaigre, les portes closes, semblait comme endormie au flanc du coteau, et en haut, tout en haut, dans le ciel couleur de plomb, des corbeaux battaient lourdement l’air de leurs ailes et passaient en couahnant.

Près de moi, le long du mur de notre cour, dans un gros tas de fagots, un rouge-gorge sautelait, cherchant un bourgeon desséché, ou, dans les trous du mur, quelque barbotte engourdie par le froid ; sous la charrette, nos quatre poules