Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/288

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nous autres assis auprès, laissant dans la vaste chambre des coins obscurs qui nous enveloppaient d’ombre. La Fantille égrenait son chapelet, et nous deux Jean, nous songions tristement, écoutant machinalement sur nos têtes un cussou, autrement un ver, qui faisait grincer sa tarière dans une poutre : gre, gre, gre… et échangeant parfois à voix basse quelques mots qui rompaient à peine le silence funèbre.

Sur les sept heures du soir, nous ouïmes les pas d’un cheval dans la cour, et j’y fus avec Jean : c’était le chevalier. Tandis que Jean menait la jument à l’étable, je le conduisis à la chambre mortuaire, et lui pris son manteau.

— Pauvre ami ! dit-il en approchant du lit.

Et se penchant, il embrassa pieusement le front glacé du mort. S’étant relevé, il me demanda comment c’était arrivé, et, après que je lui eus narré ce malheur, il s’assit sur la chaise que la Fantille lui avait avancée, et nous restâmes tous quatre muets et songeurs.

Il faisait mauvais temps ; le vent soufflait au dehors, passant sur les gros noyers avec un bruit de rivière débordée, et, filtrant sous les tuiles, gémissait en haut sous la porte du grenier, qui battait parfois, mal fermée. De temps en temps, une rafale faisait crépiter la pluie sur les vitres et s’engouffrait avec bruit dans la vaste cheminée. Nous nous regardions alors, disant : « Quel temps ! »

Ainsi s’écoula cette longue nuit. Moi qui ne