Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/297

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chevalier et la demoiselle voudraient peut-être me garder, par pure bonté, car leur bien n’était pas tel qu’ils eussent besoin d’un autre domestique dans la réserve que Cariol. Mais j’avais la fierté de ne pas vouloir leur être à charge, sachant que leur cœur était plus grand que leur bourse et me sentant, d’ailleurs, bien capable de gagner ma vie. Et puis je ne pouvais me faire à l’idée de m’éloigner de Lina, voulant être à portée de la secourir, si sa mère la rendait trop malheureuse. Aussi, lorsque après avoir marché bien longtemps nous fûmes à la Blaugie, je dis à la Fantille :

— Vous voici bientôt rendue ; je vais m’en retourner pour ne pas me mettre à la nuit.

— Et donc, tu ne viens pas jusqu’à Fanlac conter ce qui s’est passé à M. le chevalier ?

— Ma pauvre Fantille, vous le lui conterez bien ; moi, je n’irai pas d’aujourd’hui : voyez, le soleil baisse déjà… Allons, adieu ! Dans quelques jours je viendrai.

Et, la quittant, je m’en revins aux Maurezies.

La maison de La Granval était une grande belle maison bourgeoise comparée à celle de Jean qui n’avait qu’une chambre seulement, éclairée par un petit fenestrou. Pour tout plancher, c’était la terre battue, avec des creux par places, et des bosses là où les sabots laissaient la boue du dehors. Dans un coin, un mauvais lit ; au milieu, une vieille table et un banc ; contre le mur décrépi, un méchant coffre piqué des vers ; sous