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Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/298

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la table, une oule aux châtaignes et une marmite ; dans l’évier, une seille de bois, et c’était tout. La cheminée basse et large fumait à tous les vents, car les poutres et les planches du grenier étaient d’un noir luisant : il me semblait être revenu à Combenègre.

Quand j’arrivai, il était tard déjà. À la clarté de la flamme, je vis Jean assis dans le coin de l’âtre, attisant le feu sous la marmite pendue à la crémaillère.

— J’ai fait un peu de soupe, me dit-il, elle doit être cuite ; fais-lui prendre le boût, moi je vais tailler le pain.

Et, se levant, il ouvrit la grande tirette de la table et en sortit le chanteau ; puis se mit à tailler le pain dans une soupière de terre brune recousue en plusieurs endroits.

— Tu vois, — me dit-il, en me montrant le chanteau creusé au milieu et qui avait deux cornes comme la lune nouvelle, — j’ai mauvaises dents, je ne peux manger que la mie ; toi, tu mangeras les croustets.

J’avais grand faim, n’ayant guère mangé depuis deux jours, tant la mort de mon pauvre Bonal m’avait troublé. Mais, lorsqu’on est jeune, on a beau avoir de la peine, bientôt l’estomac réclame. J’avalai donc deux pleines assiettes de soupe, pointues ; mais pas moyen de faire ce chabrol qui nous sauve, nous autres paysans : Jean n’avait point de vin, ni même de piquette. Après avoir achevé ma soupe, je coupai un