Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/379

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lorsque la justice et l’humanité sont ainsi outragées et violées impunément, la vindicte populaire s’élève et juge sommairement les coupables ! Heureux lorsque, comme dans cette affaire, elle se borne à des représailles matérielles !

» Si l’on consulte l’histoire, on voit que, jusqu’à la Révolution qui en fut comme la synthèse, tous les soulèvements populaires ont été causés par la tyrannie cruelle des puissants : Bagaudes, Pastoureaux, Jacques, Gauthiers, Croquants…

— Arrivez au déluge, maître Fongrave ! dit le président qui, depuis le commencement de cette plaidoirie, s’agitait fiévreusement sur son fauteuil.

— J’y suis, monsieur le président ! Ce déluge, c’est le flot populaire qui, dans ces trois jours de tempête, a submergé le trône de Charles X, en ce moment sur le chemin de l’exil !…

À cette réplique envoyée d’une voix forte, les applaudissements éclatèrent dans le public, malgré les menaces du président. Après que le silence fut rétabli, M. Fongrave continua :

— Messieurs, je termine. De même que tous ces révoltés, dont j’aurais pu grossir l’énumération ; de même que tous les innommés de l’histoire qui ont, eux aussi, essayé en vain, pendant des siècles, de soulever le fardeau qui les écrasait, ou, pour mieux dire, la pierre du tombeau qui les recouvrait ; de même, dis-je, que tous ces malheureux ont été absous par la postérité, ceux-ci doivent être acquittés par vous. Ce qu’ils