Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/413

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seulement quelque peu de bois à couper, de manière qu’il me fallait, pour vivre, chasser et piéger. Autour de la forêt, dans les friches pierreuses, semées de genévriers, je tendais des trappelles pour les grives, et, dans les haies de ronces, de cornouillers et d’églantiers, des engins à prendre les merles. Dans les vignes entourées de murailles, où il y a force clapiers, je posais des setons pour les lapins. Je prenais des renards, puis des fouines et autres bêtes puantes dans les vieilles masures abandonnées, et des fois, au clair de lune, dans les cantons où il y avait des terriers de blaireaux, j’allais à l’affût, et j’attendais l’animal qui venait se dresser contre un pied de blé d’Espagne oublié au coin d’une terre, croyant y trouver l’épi. Lorsqu’il faisait trop mauvais temps, je me tenais à la maison, façonnant des pièges à taupes, des cages en bois, des manches de fouet avec des tiges de houx, des paniers, des fléaux et autres petites gazineries. Par tous ces moyens je ne manquais pas de pain, mais au reste, je mangeais plus de frottes et d’oignons que de poulets rôtis. Quoique restant souvent plusieurs jours sans parler à âme qui vive, je ne m’ennuyais point, ayant été accoutumé de bonne heure à être seul, et de nature n’aimant guère la compagnie. Et puis dans l’imbécillité d’esprit où j’étais pour lors, ayant la tête pleine de la Galiote, j’avais de quoi m’occuper. Quelquefois je jetais les yeux sur la cosse de bois où elle s’était assise et je croyais la voir encore allon-