Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/417

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Et j’entrai après elle.

Quelle misère ! Dans un clédier à sécher les châtaignes où l’on avait fait une cheminée grossière comme celle d’une cabane des bois, les deux pauvres femmes étaient logées. Il n’y avait en fait de meubles qu’une table contre un mur, avec un banc et, de l’autre côté, le méchant lit où gisait la paralytique. À peine pouvait-on passer entre la table et le lit, tellement c’était petit.

— Voilà Jacquou qui te vient voir, mère ! fit la Bertrille ; tu sais bien, c’est lui qui était chez le curé Bonal, à La Granval.

La malade, qui n’avait plus de vivant que les yeux, baissa les paupières, pour dire : « Oui, je sais. »

Lui ayant dit, en manière de consolation, qu’il ne fallait pas désespérer, que sans doute la chaleur venant la guérirait, elle fit aller ses yeux à droite et à gauche en signifiance qu’elle n’y croyait point.

Après quelques paroles de réconfort, je sortis avec la Bertrille.

Nous nous en allions doucement le long du chemin creux, entre les haies épaisses qui garnissaient les talus. J’avais une idée, mais je n’osais pas l’avouer à la pauvre drole, et je regardais machinalement les buissons noirs où restaient quelques prunelles bleuâtres flétries par l’hiver, et le chèvrefeuille qui, s’étalant sur les ronces et les viornes, laissait pendre des jets sur le chemin. De temps en temps, je cassais une