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Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/450

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pays ont pu supporter toutes ces misères si longtemps ! le diable me flambe, je crois que sans toi, nous serions encore sous la main de ces brigands !

— À la fin, sans doute, quelqu’un en aurait bien débarrassé le pays, répondis-je.

— Peut-être ; mais, en attendant, tu l’as fait ! Et tu en porteras les marques jusqu’à la mort, — ajouta-t-il en regardant les cicatrices des balles à ma joue.

Et après avoir trinqué une dernière fois, je m’en retournai aux Âges avec ma femme.

Une autre fois, nous en allant ensemble à la foire du 25 janvier à Rouffignac, acheter un petit cochon, — parlant par respect — je lui fis voir la tuilière où j’avais passé de si terribles moments, lors de la mort de ma mère. Mais depuis ce temps, il y avait des années, la charpente et la tuilée s’étaient effondrées, entraînant les murs de torchis, en sorte que la maison n’était plus qu’un amas de décombres, un pêle-mêle de terre, de pierres, de débris de tuiles, recouvert de ronces et d’herbes folles, d’où sortaient des bois pourris à moitié, comme les ossements de quelque animal géant enseveli sous ces ruines.

Et là, je lui dis les horribles angoisses que j’avais éprouvées, moi tout jeunet, en voyant ma mère affolée mourir dans les affres de la désespérance.

— Pauvre ! fit-elle, tu n’as pas été trop heureux dans tes premiers ans.