Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/71

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galères attendaient. Pour moi, qui ne voyais pas toutes les conséquences de ce qu’il avait fait, après avoir un peu regardé les étoiles qu’on apercevait du lit, par le trou de la toiture, je m’endormis lourdement.


Outre ses chagrins par rapport à mon père, ma mère se tourmentait aussi en pensant à moi et à ce que nous allions devenir. Les riches, lorsqu’ils ont des peines, peuvent y songer à leur aise et se donner tout entiers à leur douleur ; mais les pauvres ne le peuvent point. Il leur faut avant tout affaner pour vivre, et gagner le pain des petits enfants. Au malheur qui les frappe vient s’ajouter celui de la pauvreté qui ne leur laisse pas même le loisir de pleurer ; aussi, nous autres paysans sommes-nous, pour l’ordinaire, sobres de larmes. On ne nous voit guère rire bien fort non plus, n’ayant pas souvent sujet de le faire ; nous rions comme saint Médard, du bout des lèvres, nous souvenant du proverbe : « Trop rire fait pleurer. »

Dès le lendemain, ma mère s’inquiéta de trouver du travail. Après avoir mangé un peu, nous partîmes pour le Jarripigier, où l’homme de la Mïon lui avait dit que peut-être elle trouverait des journées chez un nommé Maly, qui avait des terres à faire valoir et employait souvent des journaliers. Après avoir marché longtemps, nous voici chez ce Maly, qui n’était pas là. Mais sa femme nous dit qu’il n’avait besoin de personne