Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/85

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Lui, nous voyant, sembla hésiter ; mais elle l’encouragea :

— Vous pouvez entrer… C’est une brave femme et son drole.

Alors il entra. C’était un fort garçon à la figure brune, aux cheveux crépus, coiffé d’une casquette de peau de fouine, vêtu d’une blouse de cotonnade grise rayée, et chaussé de gros souliers ferrés. Il pliait sous le poids d’une balle qu’il portait à l’aide d’une large bricole de cuir.

— Salut, la compagnie ! dit-il en posant son gros bâton contre la porte.

Puis il se débarrassa de sa balle en la plaçant sur deux chaises que la vieille avait vitement arrangées à l’exprès.

— Vous êtes fatigué, mon pauvre Duclaud, lui dit-elle ; tournez-vous un peu vers le feu ; nous allons souper dans une petite minute.

— Ça n’est pas pour dire, Minette, mais je souperai avec plaisir : depuis Razac, vous pensez, le déjeuner a eu le temps de couler.

La soupe trempée, on se mit à table, et la vieille servit à chacun une assiette comble de bonne soupe aux choux et aux haricots. Je fus étonné de voir Duclaud manger la soupe avec sa cuiller et sa fourchette en même temps. Chez nous on ne connaissait pas cette mode, pour la bonne raison que nous n’avions pas de fourchettes. Lorsque nous soupions d’un ragoût de pommes de terre ou de haricots, on le mangeait avec des cuillers. Pour la viande, on se servait