Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/98

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Tandis que ma mère priait ainsi à demi-voix avec un accent piteux, moi, je m’essuyais les yeux. Ayant achevé, elle fit un grand signe de croix, reprit son bâton par terre, et nous sortîmes.

Sous le porche, ma mère demanda à la femme qui nous avait vendu le cierge où étaient les prisons.

— Là, tout près, dit la femme : vous n’avez qu’à monter devant vous la rue de la Clarté ; au bout, vous tournerez à droite ; une fois sur le Coderc, vous avez les prisons tout en face.

En arrivant sur la place, bordée à cette époque de maisons anciennes, dans le genre de celle du coin de la rue Limogeane, nous vîmes dans le fond, sur l’emplacement où est maintenant la halle, l’ancien Hôtel de Ville, où étaient les prisons depuis la Révolution. On dit, par dérision : « gracieux comme une porte de prison », et on dit vrai. Celle-ci ne faisait pas mentir le proverbe : solidement ferrée et renforcée de clous, avec un guichet étroitement grillagé, elle avait un aspect sinistre, comme si elle gardait la mémoire de tous les condamnés qui en avaient passé le seuil pour aller aux galères ou à l’échafaud.

Ma mère souleva le lourd marteau de fer qui retomba avec un bruit sourd. Un pas accompagné d’un cliquetis de clefs se fit entendre, et le guichet s’ouvrit.

— Qu’est-ce que vous voulez ? dit une voix dure.