Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/23

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terrains où paissent sa chèvre et sa demi-douzaine de brebis, lorsque les « retoubles » ou éteules sont retournés par son araire ; tout cela ne se trouve pas ordinairement ensemble réuni.

Le bien de notre homme n’est pas grand, mais il en est mieux travaillé par une culture intensive, et il produit assez pour le nourrir et sa famille. Marius distribua quatorze Jugera de terre à ses soldats en disant : « Aux dieux ne plaise qu’un seul citoyen romain trouve trop petite la portion de terre qui suffit à le nourrir ! » Et moi je voudrais que tout travailleur des champs eût, en toute possession au moins quatorze « journaux » de terre assortie. Cela fait, dans notre pays, un peu plus de cinq hectares et demi, et ce serait suffisant, en fertilité moyenne, pour une famille vaillante. Mais le moyen que tous nos pauvres Jacques-sans-terre aient le nécessaire lorsque d’autres ont tout le superflu ?

Il y a en Périgord de nombreux domaines de plusieurs centaines et même de milliers d’hectares cultivés par de malheureux métayers, bordiers, tierceurs, qui y vivent à peine, et par toute une population de mercenaires, journaliers, ouvriers agricoles, qui reçoivent un salaire dérisoire des opulents propriétaires de ces terres immenses. J’ai honte pour ceux-ci de le dire : il en est qui, pour de longues journées de douze et quatorze heures, donnent trente misérables sous à des hommes qui ont le plus souvent un loyer à payer et une famille à nourrir ! Qu’on songe aux pensées qui assaillent ces pauvres ahaniers en voyant qu’un seul homme oisif possède la terre, alors qu’eux, dont le métier