Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/24

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est de la travailler, n’en ont pas de quoi semer un grain de blé !

Oh ! quelles réminiscences farouches de leurs pères, les Croquants du Périgord !

Comment, au mépris de la justice, de l’équité, de l’humanité, des accaparements sont-ils possibles ? Que valent la légalité qui les a permis et la société qui les tolère ?

Ah ! sans doute, il faut respecter la propriété qui vient du travail ; mais est-ce donc que ces immenses domaines ont été créés par un labeur honnête ? Quelle considération doit-on au hasard successoral ? aux viles combinaisons matrimoniales ? aux caprices testamentaires ? Faut-il respecter ces terres seigneuriales acquises de l’or des tripots ou d’origine isthmique ? Quel respect mérite la propriété qui vient de l’usure, du vol, de la prostitution, du brigandage féodal, du brigandage industriel ou financier ?

La propriété même qui vient du travail doit être limitée. Il ne faut pas que l’homme plus fort, plus courageux, plus intelligent que les autres hommes, puisse abuser de ses avantages jusqu’à priver par l’accaparement les plus faibles ou moins bien doués, de la portion nécessaire à laquelle ils ont droit étant hommes. Nul ne devrait occuper plus de terre qu’il n’en peut mettre directement en rapport, car le travail seul légitime la possession. C’est pour cela qu’autrefois il était permis à tout homme de cultiver une terre abandonnée et d’en faire les fruits siens. Que la limite maximum soit reculée assez pour développer l’énergie humaine et stimuler le travailleur ; mais