Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/30

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Dans le ciel bleu, les hirondelles entre-croisent leur vol rapide et accompagnent de leurs petits cris aigus les chants religieux épandus sur la campagne par un léger vent doux qui agite doucement les barbes des coiffes, les brides des bonnets, le surplis du curé, et soulevait aussi ses cheveux longs avant que son évêque l’eût fait tondre à la Jésuite. Tout est en fête ; la nature a mis sa robe verte, les insectes susurrent sous l’herbe, et les oiselets pépient dans les buissons. Le long des chemins bordés de murailles de pierres sèches ou de haies d’épine, entre les champs de froment, de seigle, de pommes de terre, de blé d’Espagne, entre les luzernes et les sainfoins fleuris, la procession passe lentement sous un gai soleil qui fait cligner les yeux :

Te rogamus audi nos !

Ainsi, chez les Romains, les prêtres arvales faisaient pendant trois jours des processions autour des champs, pour impétrer des dieux de bonnes récoltes.

À une « cafourche » ou carrefour, se dresse une de ces vieilles croix qui, autre plagiat, ont remplacé les antiques lares compitaliers du paganisme. Des mains pieuses l’ont ornée pour la circonstance, de fleurs, de guirlandes rustiques. En de certaines paroisses, même, on dépose au pied de la croix de champêtres oblations : un gâteau de fine fleur de farine ou des fruits de la terre. Devant cette croix, la procession s’arrête ; le prêtre récite des prières et bénit les champs.

Cette croix elle-même est une contrefaçon de celle de Mithra, le Dieu-Soleil, ou plutôt elles sont identiques ; car même en admettant la crucifixion