Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/29

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Alors le curé intervient et fait des processions autour des champs pour conjurer ces mauvais saints de glace qui gèlent les vignes, et les grêles qui détruisent les récoltes.

Quant aux terribles Chevaliers : saint Georges, saint Marc, saint Eutrope et le petit saint Jean, on s’en moque, ils sont passés.

Si l’on processionne ainsi, ce n’est pas que le paysan soit bien religieux, non, il est plutôt païen au fond, et croit superstitieusement à l’influence des astres, à la puissance des sorciers, et surtout au pouvoir de l’ « Aversier », cet être mystérieux plus puissant que le Diable et qui, selon certains, serait le maître et dispensateur des pluies. Mais, malgré cela, il est attaché aux vieux usages, aux antiques cérémonies de l’Église catholique, et il juge prudent de mettre tous les atouts dans son jeu ; aussi voit-il d’un bon œil le curé prier pour les biens de la terre. « On ne sait pas ! si les prières du capelan ne font pas de bien, elles ne font pas de mal… n’est-ce pas ?… » C’est pourquoi il ne serait pas expédient pour le curé de négliger les Rogations, surtout s’il venait à grêler ! Au reste, l’homme terrien, le principal intéressé, ne suit pas la procession et ne prie pas pour ses récoltes ; ça c’est l’affaire de son prêtre : lui travaille pendant que l’autre lève les bras au ciel comme le défunt Moïse.

Devant, marche le porte-croix, suivi de quelques bonnes femmes anciennes escortant le curé en surplis et bonnet carré, qui, aidé de son marguillier, chante les litanies rituelles avec le refrain sur le mode joyeux :

Te rogamus audi nos !