Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/32

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PRAIRIAL

Dans l’aube embrumée du matin, tandis que les coqs des métairies sonnent la diane champêtre du jour qui va naître, une forme indécise s’entrevoit au milieu des prés mûrs. Est-ce un homme, un saule ou « aubar », comme nous disons, un animal ? On ne sait. À distance, et enveloppés de vapeurs terrestres, ses contours flottent et se confondent avec l’ombre de la nuit qui finit. Mais, tout à coup, le bruit sonore et métallique d’une pierre à repasser aiguisant une faux, monte de la combe herbeuse : c’est un faucheur, un vaillant, qui s’est levé avant la « pique du jour ». À peine y voit-il ; n’importe. Ayant bien affilé son « dail », dans l’herbe jusqu’au ventre, il crache dans ses mains, se campe les jambes écartées, le corps en avant, et commence à faucher. L’herbe humide de rosée se couche également sur le pré ras tondu, à mesure qu’il avance avec une régularité de mouvements presque mécanique. Pas à pas, il chemine, bien dispos et retrempé des fatigues de la veille par la fraîcheur de la nuit. Arrivé au bout du pré, il se retourne et regarde, satisfait, tous les andains bien alignés ; puis il affile sa faux et reprend son travail.

Des fois la lame de la faux, en décrivant sa courbe, rencontre une taupinière qui l’arrête, de manière que l’homme sacre un petit. C’est des jurons variés selon la contrée du Périgord : Millo