Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/33

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dioù ! Fils de loubo ! Garciero de talpo ! — ou taüpoLou diable te crâme ! ou d’autres équivalents. S’étant ainsi soulagé, le faucheur se redresse, tire la pierre du coffin et, tenant son « dail » par la pointe, l’aiguise de nouveau, puis se remet à faucher.

Cependant l’orient blanchit, les étoiles pâlissent, l’ourse céleste s’efface, et bientôt, derrière l’horizon monte le soleil victorieux des ténèbres. Le voilà qui déborde à la cime du coteau et s’élève radieux dans le ciel qui s’enflamme.

Ses rayons boivent la rosée de la nuit, et achèvent de dissiper les brumes déchirées par un petit vent d’est qui fait frissonner les hautes herbes. L’homme, ceint de son mouchoir auquel est accroché le coffin, avance toujours à petits pas, lentement, en faisant décrire à sa faux un arc de cercle marqué par le bruit caractéristique du fer sur l’herbe serrée. Il fauche tout indifféremment, les bonnes et les mauvaises plantes, les grandes et les petites : la pastenade ou carotte sauvage, la folle-avoine, la flouve parfumée, la petite centaurée, la consoude, le trèfle ou « trifoulet », le millefeuille, la fléole, la marguerite, l’oseille sauvage, la sauge des prés, la pâquerette, la pimprenelle, le mélilot… Indifféremment, il couche tout sur la « sole » du pré, en sorte que sa faux impitoyable est devenue l’arme emblématique de la Mort qui fauche aveuglément les « pâles humains ».

Mais tandis que la camarde jamais ne se lasse, lui se fatigue à manœuvrer l’outil pesant sous le soleil qui, maintenant, parvenu au tiers de sa course, le brûle à travers la chemise de grosse