Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/36

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Il arrive des fois qu’il faut remuer le foin à plusieurs reprises, parce que des « horées » ou averses d’une heure l’ont mouillé avant de le rentrer. Ces contre-temps font jurer les faneurs et récriminer : Alors les anciens disent gravement que, jadis, il y avait un printemps, maintenant non.

C’est que, comme nous, tant que nous sommes, le paysan oublie les mauvais jours passés, heureusement. Ceux qui ont le poil gris se remémorent le printemps d’autrefois à travers les souvenirs de la jeunesse, printemps de la vie.

Oui, nous avons oublié les jours de pluie ; nous ne nous rappelons plus que de ces beaux jours où, sous le clair soleil, la nature riait dans sa robe verte ; où la sève de vie montait sous l’écorce des arbres et circulait dans les veines des êtres animés.

Nous n’avons plus mémoire que de ces beaux soirs de mai où les vers luisants étoilaient l’herbe de leurs feux phosphorescents ; que des « Mois de Marie » dans l’église du village, où nous allions ouïr chanter les litanies de la Vierge, ardente déification de la femme sous le nom de la mère du Christ ; de la femme à l’invincible attrait, que les anciennes religions avaient aussi divinisée sous les noms d’Isis, d’Ops tenant les clefs du ciel, de Vénus, de la virgo paritura des druides, et d’autres encore.

Oh ! ces voix de jeunes filles égrenant les poétiques appellations de la « Reine du Ciel » — nom donné aussi à l’épouse divine d’Osiris — comme elles retentissaient amoureusement au fond de l’être !