Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/40

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Cela presse, car en cette saison, la grêle a tôt fait de tout emporter. Lorsque le temps devient lourd, l’horizon noir, que le tonnerre gronde au loin, que le vent pousse l’orage sur la contrée, le paysan inquiet regarde le ciel et les nuages qui accourent comme une troupe de cavales échevelées. Le voici près. Dans une atmosphère étouffante les blés fauves se courbent sous la tempête, et bientôt, au milieu des éclairs et du fracas de la foudre, la pluie tombe à torrents. Heureux lorsqu’il n’y a que de l’eau, des blés versés, et que la grêle ne moissonne pas en un instant l’espoir du laboureur ! Il faut avoir vu la contenance des pauvres gens de campagne, après un ouragan qui emporte leur pain d’une année pour comprendre toute l’étendue de leur malheur.

Pour en sentir l’horreur il faut, après ces sinistres évènements, avoir ouï les lamentations éplorées des femmes, les cris de révolte furieux des hommes, leurs blasphèmes, leurs malédictions ; ou bien leurs colères concentrées et leur mutisme farouche, qui accusent également ce « bon Dieu » à qui ils s’étaient confiés, que leur curé avait imploré aux Rogations !

Aussi point de retard. Dès l’aube on se rend au travail, hommes et femmes, manque l’aïeule, la « grande », qui reste à la maison pour faire la soupe et la pitance.

C’est un terrible travail que la moisson. Être tout le jour plié en deux, la tête en bas, sous le soleil qui brûle l’échine, « crâme » les bras, le cou, et respirer l’air embrasé que la terre renvoie à la figure comme la gueule d’un four, c’est dur, très dur.