Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et puis, dans le chaume il y a des herbes rêches, des chardons qui piquent, en sorte que les mains cuisent ; co cousino, comme disent nos gens. La journée est longue, de quatre heures du matin à sept heures du soir, et on se demande comment des hommes pas très bien nourris peuvent y tenir. Ceux qui travaillent pour eux, passe ; mais les mercenaires ! Il y a bien, après le repas de midi, un repos pendant lequel on se met à plat ventre au soleil pour éviter le refroidissement des reins et les douleurs qui s’en suivent ; mais qu’est-ce que cela ? Surtout, comment des femmes peuvent-elles supporter cette fatigue écrasante ?

Les pauvres, pourtant, elles y tiennent à force de vaillance, et ont encore le courage de chanter pour se donner des forces, de ces vieilles chansons de moissonneurs aux couplets alternés entre hommes et femmes, comme : Lou Bouyer de l’aurado, La parpaillolo et autres : Lou Segoun Jour del mey de maï, Lou rey perde sa filho

De ces pauvres femmes, il y en a qui sont grosses en ces temps de métives, d’autres qui nourrissent et couchent leur petit enfançon à l’ombre d’une haie ou d’un « pilo » de gerbes, où elles vont le faire téter lorsqu’il s’éveille. C’est une honte que de voir des femmes courbées sous un aussi pénible labeur, alors que ce pays de France est plein de grands fainéants d’hommes qui ne font œuvre de leurs dix doigts en manière quelconque !

Peut-être on dira qu’il en a toujours été ainsi ; sans doute, et çà se voit bien à notre race dégénérée ; mais ce n’est pas une raison pour que ces abus continuent jusqu’à la fin des temps, qui viendra ne sais quand, ne sais comme. Cela n’est