min, il appelle les bœufs et va serrer ce blé dans les greniers du maître. Sa figure impassible, bronzée comme un vieux sou, ne laisse rien paraître de ses sentiments. Il y a si longtemps que la race est courbée sous la loi du plus fort, qu’elle y a gagné une sorte de résignation fataliste…
Ha ! ha ! et l’homme se retourne machinalement pour exciter les bœufs de l’aiguillon.
Elle a passé par l’esclavage antique, le servage, la main-morte, le colonage, toujours écrasée par la force brutale, puis la loi du vainqueur, et aujourd’hui par la puissance de l’argent. Au maître barbare, au dur conquérant, au bandit féodal, au gentilhomme exacteur, a succédé le propriétaire, noble ou bourgeois, qui a pour lui la loi, les juges et les gendarmes.
Dans le bon vieux temps tous se moquent du pauvre paysan et tournent ses misères en dérision ; les trouvères et les légistes comme les seigneurs, et le clergé qui l’exhorte à la patience et à la résignation. Rutebeuf lui ôte même l’espérance illusoire de la récompense céleste que lui promettent les prêtres : L’enfer dans ce monde et dans l’autre, dit-il, tel est le lot que Dieu leur réserve ; il se gardera bien d’accorder à telle canaille une place dans son paradis.
De nos jours il en va de même à peu près. Comme disait Paul Froment, le gentil poète « bailet », de Floressas en Quercy.
Aques qui soun din la grandou,
Ritches e fegnans que jouisson
As paures paisans escupisson,
En passan cridarian : — Oulou !