Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/54

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c’est étonnant comme ces estomacs si sobres sont « chabissous »,

Le jour de la belle gerbe, le maître table chez ses métayers, à moins qu’il ne se croie trop grand seigneur. C’est le jour où on partage le blé. Après avoir d’abord retiré la semence, la rente, la redevance du maréchal, celle du marguillier, le reste est partagé par moitié entre le propriétaire et le colon.

Le vieil usage, l’antique coutume et la « baillette » font accepter ce partage sans difficulté, mais non sans regret. Ce beau froment roux comme les bœufs limousins, qui a donné tant de peine au métayer, qui a tant coûté à « faire venir » ; qu’il a fallu, après les labours et les hersages, semer, sarcler, moissonner et battre ; en donner la moitié au maître qui n’a fait œuvre de ses bras, c’est dur. Une sorte de rancœur envahit l’homme, et dans son esprit lent s’agite, obscur et presque inconscient, le problème agraire. Dans cette association léonine du maître et du colon, celui-là fournit la terre. Le bien est à lui, acheté et payé avec des écus de provenance honnête ou non, n’importe, ou bien il lui vient de son père qui le tenait de l’aïeul, lequel l’avait hérité du bisaïeul… soit.

Mais en remontant dans le passé, le métayer a la perception vague d’un état social égalitaire où tous avaient part au sol ; où les fruits de la terre appartenaient sans partage à l’occupant, au travailleur.

Et ayant ensaché le blé, aidé de son monde, il le charge sur la charrette et, lentement, comme à regret, traînant ses sabots sur les pierres du che-