Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/57

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misère, il ne trouve plus de domaine et meurt dans quelque cabane, dans un séchoir à châtaignes où on l’a laissé se loger par charité.

Voilà le sort de beaucoup de pauvres gens. Il en est qui échappent à cette misérable condition à la faveur d’heureuses circonstances ; mais ils sont rares les métayers qui accèdent à la propriété.

Pourtant, c’est la propriété seule qui peut donner le courage de supporter gaiement les fatigues du travail agricole ; c’est elle qui procure au paysan la joie intense, inconnue au citadin propriétaire, d’enfoncer son sabot dans sa terre à lui ; qui le fait jouir par tous les sens en voyant cette terre, fertilisée par son labeur obstiné, se couvrir de récoltes et donner du « revenu » comme il dit.

Cette passion de l’homme terrien est jalouse comme toutes les grandes passions. Elle dépasse le pur intérêt ; il y a quelque chose de plus : un amour intrinsèque, une sorte de mariage, où la terre fécondée lui tient au cœur et aux sens comme une belle femme prolifique. Aussi, le paysan propriétaire ménage sa terre et se garde bien de l’épuiser. Les expériences hasardeuses ne lui disent rien de bon. Pour adopter de nouvelles cultures, il lui faut des leçons de choses répétées de quelques hardis innovateurs.

La pomme de terre fut introduite en Périgord vers 1771, bienfait compensateur de Marguerite Bertin, demoiselle de Bellisle, sœur du ministre Bertin, protecteur et complice des brigands du Pacte de famine. Eh bien, plus de trente ans après, en l’an XII, Guillaume Delfau constatait officiellement que la culture en était peu répandue.