Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/63

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Le sale Automne aux cuves va foulant,
Le raisin gras dessoubs la pied coulant.

Comme dit La Boétie. Pendant la cuvaison il y a de vieux superstitieux qui interdisent aux femmes l’entrée du « cuvier », dans la croyance que si elles avaient leurs ordinaires, le vin se gâterait. Au moins avant de les y laisser entrer, leur demandent-ils sévèrement :

— Êtes-vous dignes d’entrer dans mon cuvier ?

Jadis en Guyenne, la cour du Parlement réglait ses vacances sur l’époque des vendanges, et les bourgeois urbains allaient à leur maison des champs pour y assister. Aujourd’hui, ceux-ci s’en désintéressent, si ce n’est pour le produit. Les plaisirs champêtres ne sont plus de bon ton. Les eaux à la mode, les plages en renom, fréquentées par les otieux et les rastaquouères, attirent ces fils ingrats du comptoir ou de la glèbe. Ils vont dans les casinos retrouver le jeu des cercles et les artistes des théâtres, tandis que, poupées mondaines, leurs femmes coquettent à bon escient.

Le paysan lui-même — au moins quelques jeunes — commence à faire fi des plaisirs simples et peu coûteux d’autrefois. Il dédaigne les amusements rustiques et les fêtes des récoltes. Les frairies des villages, les noces campagnardes et les bals à « chabrette » ne lui suffisent plus.

Il va aux grandes foires urbaines, aux expositions voisines, aux concours, et même parfois aux courses. La facilité des communications favorise ces déplacements qui, en faisant passer sous ses yeux des apparences trompeuses, finissent quelquefois par le dégoûter de la terre.