Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/64

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Alors, chez ce néo-paysan perverti par « l’air empoisonné des villes », comme disait Jean-Jacques, plus d’affection pour le sol natal qui s’industrialise et n’est plus pour lui qu’un outil producteur. Cet amour profond de ses anciens pour la terre tant de fois piochée, bêchée, fouie, labourée, retournée motte par motte ; pour la terre nourricière qui fait vivre la famille depuis si longtemps ; cet amour viril et sain lui est inconnu.

Il ignore la passion jalouse de son père pour tel champ convoité pendant vingt ans, acquis au moyen d’économies empilées sou par sou, et d’autant plus aimé qu’il coûta plus de privations longtemps accumulées… Ainsi disposé, s’il a peu de raison, ce paysan vend son bien et part. Que faire à cela ?

L’homme est ainsi bâti qu’il sent vivement les inconvénients de ce qu’il a, tandis qu’il voit exclusivement les avantages de ce qu’il n’a pas. Mais la réaction se fera. Après cet exode du paysan vers les villes, viendra le temps où les mercerots, les petits employés à casquette, et les ouvriers d’origine rurale, dégoûtés de la sujétion de l’emploi, de la discipline de l’atelier, des misères de la mévente, du chômage, et anémiés par une vie antihygiénique, aspireront à revenir aux champs désertés par eux ou leurs pères. Ils envieront les gros sabots, le labeur à soi seul sous le clair soleil, l’air pur, la nourriture frugale mais saine, la maison rustique où la famille vit seule, et la liberté qui est le sel du travail.

Pour ces émigrants volontaires, il n’y a qu’à attendre la désillusion ; mais à côté de ces imprudents, il y a ceux que la malchance poursuit, que