Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/66

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regarde au loin les flots comme pour interroger le destin. Lamentable tableau que celui de ces malheureux rongés par l’hypothèque, futures victimes de l’acclimatation. Sur les visages hâlés des parents, on voit passer les pensées douloureuses qui les assiègent : les regrets du sol natal, l’effroi de l’avenir et de l’inconnu ; pensées angoisseuses mêlées de haine pour une patrie ingrate qui refuse un champ au travailleur, tandis que la bourgeoisie tripoteuse et absentéiste accapare le sol par la spéculation et l’usure…

Et l’on s’étonne de la dépopulation ! Qu’on livre la terre au paysan mercenaire et les campagnes se repeupleront.

En attendant une loi sur l’expropriation pour cause de nécessité publique, il faudrait, dès demain, que la maison du paysan, son jardin, et un petit enclos, constitués insaisissables, fussent soustraits à l’hypothèque par la loi.

Ainsi à l’abri des requins de la finance et de la chicane, la famille, les petits enfants, auraient toujours une demeure à eux.

Chez nous, la race terrienne est si vaillante, que, solidement plantés sur leur peu de terre, comme nos chênes, ceux qui auraient été malheureux se relèveraient ; et on ne verrait pas de pauvres gens qui ne demandent qu’à travailler, jetés hors de chez eux, augmenter le nombre des vagabonds, souventes fois crever de faim, ou mal tourner par la misère…

Nécessité faict gens mesprendre,
Et faim saillir le loup des boys.