Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/72

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donner un coup de main ; et, en arrière, des droles attendent curieux.

Tout étant prêt, le maître va ouvrir l’étable et appelle le cochon. Il sort péniblement, croyant trouver son auge pleine ; mais soudain il s’arrête, méfiant, en voyant tout ce monde. L’homme lui jette quelques grains de blé d’Espagne, et avec des paroles câlines cherche en vain à le faire approcher de ce banc qui lui paraît suspect. Pendant qu’il hésite, un des voisins lui saisit traîtreusement une patte de derrière ; — un futur jambon — deux autres lui empoignent les oreilles, un quatrième entortille une corde autour du groin, un cinquième le prend par la queue et tous l’entraînent vers le banc fatal.

Ce pauvre diable qui comprend lors de quoi il s’agit, renâcle, pousse des cris perçants qui troublent dans leur étable ses congénères voisins, et s’efforce inutilement de résister. Hissé et couché sur le banc malgré ses efforts, il redouble ses grouinements aigus et désespérés pendant qu’on lui introduit dans la bouche un manche de pelle à feu pour le langueyer. Point de boutons de ladrerie ? Son affaire est claire. Le boucher ou l’amateur qui en fait l’office, de son grand coutelas rase les soies de la gorge, puis, ayant bien calculé la direction, enfonce le couteau. Le sang jaillit en un jet écumeux reçu par la ménagère dans un bassin de cuivre où elle le remue avec la main.

Quelquefois, d’aucunes, plus sensibles, ne pouvant se résoudre à voir égorger cet animal qu’elles ont élevé, soigné, gratté de leurs ongles sur l’échine, se font remplacer par une voisine — à charge de revanche.