Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/76

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peut le voir, surtout un bourgeois chasseur, il quête « le lièvre ».

D’anciens gîtes, des laissées dans une terre autour d’un petit arbre ou sur une pierre, une châtaigne à demi-rongée dans un bois, lui ont appris qu’un lièvre est dans ce « renvers », comme il dit. Selon le vent, le temps, l’exposition, il se met en chasse de tel côté. Lentement il avance, regarde autour de lui, s’arrête, puis repart. Son œil perçant pénètre sous les bruyères, parmi les herbes sèches, et distingue un lièvre gîté entre deux grosses mottes dans les guérets, ou rasé dans les « retoubles » en jachère. Lorsqu’il l’a découvert, il se rapproche peu à peu en tirant des bordées, feignant d’aller d’un autre côté. Si l’animal tient le gîte, il lui tape un coup de fusil droit derrière la tête, pour ne pas le gâter, le ramasse et s’en retourne à son ouvrage. Lorsque le lièvre se lève devant lui à portée, son affaire est bonne.

Avec ce mauvais fusil simple à long canon, dont la crosse a été raccommodée par le maréchal au moyen d’une bande de fer, il ne manque guère son coup. Le soir, il revient tard, qu’on ne le voie, avec son gibier sous sa veste ou dans un faix de bruyère. Celui-ci, c’est l’homme prudent, qui vise avec le lièvre une pièce de cent sous qui lui servira bien.

Mais il y en a d’autres qui, sans dédaigner le gain, vont à la chasse expressément pour le plaisir. Ceux-là ont la chose dans le sang, c’est une passion tenace, irrésistible, que rien ne peut vaincre, ni le renvoi du domaine s’ils sont métayers, ni la crainte des gendarmes. Le matin, avant la « pique du jour », ils se lèvent et partent.