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Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/77

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Non plus que les premiers, ils ne vont au hasard ; leur marche est raisonnée, ils quêtent où ils savent trouver un lièvre, et ne tirent qu’à coup sûr, car ils n’aiment pas à perdre leur poudre. Puis ils rentrent furtivement au matin, avec leur gibier dans un havresac, sous la blouse, au moment où, après déjeuné, le « disciple de saint Hubert », bien équipé, bien armé, guêtré jusqu’aux genoux, la pipe à la bouche, part fièrement avec Diane ou Black, pour rentrer le soir, bredouille trop souvent.

Le dimanche, le paysan chasseur passe la journée dehors, sans souci du repos dominical, ni de la messe, et sans manger le plus souvent. Le matin, il a fait une frotte à l’ail et bu un bon coup — s’il a du vin ; — avec cela, il ira jusqu’au soir ; la passion le soutient.

Mais cette passion ne lui fait pas oublier la prudence. Il chasse de préférence dans les endroits boisés, accidentés, où en cas d’alerte il peut se cacher dans un fourré, se dérober dans une combe. Il a l’œil attentif et se garde de tous côtés. Quelquefois pourtant, les gendarmes, embusqués derrière un boqueteau, le surprennent. Mais pourvu que le pays soit couvert et qu’il ait un peu d’avance, il est sauvé. Il court bien et passe où les chevaux ne peuvent le suivre. Au besoin, il cache son fusil sous la palène, dans un vieux fossé de limite, et s’en va les mains dans les poches. Malgré tout, par malechance, il est pris quelquefois et condamné à l’amende ; mais comme il n’a pas vaillant dix écus de mobilier, il s’en tire les chausses nettes le plus souvent.