Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/79

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disant la chasse à tout individu ne possédant pas au moins vingt hectares de propriété foncière.

Cette question du droit de chasse a toujours passionné les populations de nos campagnes du Périgord. Outre un vif sentiment de l’égalité devant un droit naturel, le paysan ne peut se loger dans la tête que le commerçant, l’employé, le citadin, le bourgeois ; que quiconque a vingt-huit francs à dépenser pour ses plaisirs, puisse légitimement fouler ses récoltes, rompre ses clôtures, tuer les lièvres qui ont mangé ses raves, et les perdrix qui ont picoré son blé.

Il sent que l’ancien droit féodal qui interdisait la chasse au manant, n’a fait que se déplacer et se transformer. Ce n’est plus une affaire de caste, mais une question d’argent. Le privilège s’est démocratisé, mais c’est encore un privilège.

La conscience qu’a cet homme d’être tenu en dehors du droit de chasse par sa pauvreté, le rend indifférent ou hostile à toutes les considérations économiques et aux savantes et égoïstes théories bourgeoises sur la conservation du gibier. Et puis la passion le pousse. Tout jeunet, il tendait des « trapelles » aux grives dans les friches, au pied des genévriers ; des « échirpeaux » sur les haies pour les merles, et des « sétons » à l’entrée des clapiers dans les vignes entourées de murailles.

Devenu grand, il tue le gibier qui passe à sa portée, en n’importe quel temps ; c’est autant de pris sur l’ennemi qui est le bourgeois, le chasseur régulier et patenté ; mais il ne commet pas de meurtres inutiles comme lui.

Celui-ci, revenant bredouille, fusille stupidement les oisillons utiles à l’agriculture et détruit