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Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/86

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fait s’évanouir les fantômes errants dans les ténèbres.

Ainsi passent les mauvais jours — et les nuits interminables — ceux qui ont au grenier quelques sacs de blé ou de seigle pour attendre la récolte. Mais il y a de pauvres gens, journaliers, mercenaires qui, en cette rude saison, chôment et jeûnent. Pas de travail, pas de salaire ; pas de salaire, pas de pain. Les misérables trente sous que les riches propriétaires leur paient pour des journées écrasantes, manquent à la pauvre famille. Les enfants demandent du pain, et souvent il n’y en a pas à la maison. C’est une situation dont les heureux de ce monde ne conçoivent pas toute l’horreur.

Pendant qu’ils regorgent de tout, il y a, dans nos campagnes, des mères qui sont obligées de rationner leurs enfants, ou même, chose lamentable, de leur faire attendre longtemps le morceau de pain qu’elles n’ont pas… Heureux encore, le père, si, en cette extrémité, quelque usurier de village consent à lui avancer une « quarte » de baillarge qu’il devra rendre en la même quantité de pur froment.

Et puis, il y a le loyer à payer. Tous grelotteront sous de méchantes hardes, sans feu au logis ; mais on ne peut gîter dehors. Petit loyer en vérité, mais il faut le prélever sur le maigre salaire des jours de travail très réduits par les dimanches, les fêtes, le mauvais temps ; jours perdus pendant lesquels on mange cependant.

Non, il n’est pas gros le loyer ; comment le serait-il pour cette méchante cahute obscure, où dans une unique pièce sont entassés sur la terre