Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/18

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— Tous deux ?

— Oui… Ces gueuses de fièvres !

La misérable cabane de torchis était divisée par la moitié, pour les « chrétiens » et pour les bêtes. Le domestique tira dehors la jument ; et, le maître et lui ayant fixé sur la bastine la longue malle couverte de cuir de sanglier, ils refermèrent l’huis et partirent.

— J’ai porté la peau de bique, dit Mériol en agrafant sa limousine.

— Jette-la sur la malle : j’ai mon manteau.

Le vieux serviteur marchait devant, tenant son gourdin ferré de la main droite et, de la gauche, un falot. La jument le suivait, libre, et Daniel venait à l’arrière-garde du petit convoi, le fusil sous le bras à l’abri de la pluie : — Mériol, qui était un homme avisé, n’avait eu garde d’oublier au logis le « bâton percé ». Comme il disait toujours : « On ne sait pas ce qui peut arriver !… »

Ils suivaient des chemins étroits, bossus, bordés parfois d’ajoncs, semés de flaques d’eau où la bête glissait dans la boue glaiseuse. Après avoir passé à gué le ruisseau qui sort des étangs de Servanches, à cent toises de la Gilardie, les voyageurs anuités furent signalés par les chiens du village endormi, qui leur jappèrent aux jambes tandis qu’ils le traversaient. Ces « labris » les accompagnèrent ensuite jusqu’à une « cafourche », où, comme par un mot d’ordre, ils s’arrêtèrent tous, puis rebroussèrent chemin, conscients d’avoir fait leur devoir.

À quelque distance de ce carrefour, après avoir longé un chapelet d’étangs, Mériol vira dans une laie, entre d’épais gaulis qui revêtaient partout les coteaux et les combes. La pluie tombait dru sur les feuilles,