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Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/283

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l’obscurité, le silence, l’air humide firent frissonner Minna inquiète et de tristes appréhensions lui vinrent à l’esprit. Tandis qu’elle écoutait anxieusement, espérant ouïr enfin les fers du cheval qui sonneraient sur les pavés de l’allée, un coup de fusil au loin se fit entendre sourdement, comme amorti par l’atmosphère pesante, puis tout rentra dans un silence lugubre.

— Il est arrivé malheur à mon père ! s’écria-t-elle.

— Bah ! répondit M. de Bretout, c’est quelque braconnier à l’affût ! Votre père couchera sans doute à Mussidan : allons souper !

— Vous ne pensez qu’à manger !… Croyez-vous que j’aie faim, dans l’inquiétude où je suis !…

M. de Bretout se dit bien que, pour lui, il n’en perdrait pas un coup de dent, mais il ne répliqua pas.

Ils attendirent un quart d’heure encore, puis Minna perçut un galop qui se rapprochait, et, trois minutes après, le grand cheval normand de M. de Légé entra dans la cour, couvert de boue, les rênes de la bride rompue, ronflant d’épouvante.

À la lueur qui venait par la porte de la cuisine, on examina la bête : rien n’indiquait la nature de l’accident. Circonstances rassurantes, les pistolets étaient dans les fontes et un portemanteau de cuir où l’on trouva deux sacs d’écus était encore attaché au troussequin de la selle.

— Le monsieur sera tombé avec le cheval, dans ces mauvais chemins ! dit Pirot.

Madame de Bretout, adoptant alors cette opinion d’une simple chute, se rassura un peu et fit partir aussitôt tous les gens de la maison pourvus de falots, sous la direction de son mari. Celui-ci maugréait bien, secrètement, du souper retardé encore, mais il se résigna par nécessité.