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Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/284

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À une petite demi-lieue sur le chemin de Mussidan, au fond d’une combe, entre des taillis épais, Mornac, le garde-bois du château, qui marchait en avant, avisa une forme noire étendue dans la boue. Tous s’approchèrent, pressés par son exclamation, et, à la lumière des falots, reconnurent M. de Légé, son manteau sous lui, son chapeau à quatre pas. M. de Bretout, se penchant sur le corps, vit à la tempe deux petits trous d’où coulait un filet de sang.

— On l’a assassiné ! dit-il froidement.

— Toujours, ça n’est pas pour le voler ! fit observer Pirot, en désignant les breloques de la chaîne de montre, qui pendaient du gousset et de la culotte.

— En effet, voici sa bourse ! reprit M. de Bretout, après avoir fouillé les poches du mort.

Au moyen d’un « bayart » ou civière, et avec l’aide de quelques hommes pris au plus prochain village, le défunt fut rapporté au château. Quand Minna, qui épiait sur la terrasse avec les femmes, vit les falots avancer lentement, elle devina la vérité :

— Mon père est mort ! s’écria-t-elle, en larmes.

Et quand, au pas lourd des porteurs, le funèbre fardeau entra dans la cour, et qu’elle-même, soulevant le manteau mouillé, découvrit la figure de M. de Légé toute pâle, souillée de sang et de boue, elle s’évanouit.

Sur une table, dans le vestibule, on déposa le cadavre ; puis un homme à cheval, expédié à Ribérac, fut prévenir les gens de la justice, qui vinrent le lendemain…

Comme il n’y avait pas vol, le crime fut attribué à la vengeance, et, par conséquent, les soupçons se dirigèrent sur des débiteurs malheureux de M. de