Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/332

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recrutés non sans peine parmi les plus robustes, ce qui d’ailleurs n’était pas beaucoup dire. Ces hommes, qui se relayaient souvent, portaient péniblement sur leurs épaules osseuses une énorme croix de bois équarri, ornée des instruments de la Passion façonnés tant bien que mal par le sabotier du lieu : marteau, tenailles, clous, lance, échelle, roseau, etc. Puis, entre les gendarmes de Ribérac, sabre au clair, envoyés pour leur faire honneur, venaient l’abbé de Bretout, les Pères de la Mission, et les curés des paroisses, qui chantaient des psaumes, aidés de leurs marguilliers.

Derrière le clergé, les notables du pays : M. de la Fayardie, conseiller général, M. le vicomte de Bretout, M. Servenière (de Fontblanche), MM. Jamet de Garipuy, accouru tout exprès de Bordeaux, Trécand, du château de Creyssac, Grandtexier, de Servanches, des Garrigues, juge de paix, Carol (de la Berterie), les maires des environs escortés de leur conseil municipal, et quelques autres seigneurs de moindre importance.

Après tous ceux-là fourmillaient en masse les gens du menu peuple, groupés par paroisses derrière la bannière de leur saint patron. Les hommes, en culotte de grosse toile de charpail, en blouses décolorées, en vestes rapiécées, d’aucuns nu-pieds, d’autres chaussés de lourds sabots, avançaient lentement, leur bonnet ou chapeau à la main. Les femmes, en brassières de serge, en cotillon de droguet usé, coiffées de madras de coton ou de coiffes à barbes, égrenaient leur chapelet de verroterie et murmuraient en patois les paroles rituelles. Çà et là, comme les chiens de berger de ce troupeau humain, trois ou quatre gardes particuliers, leur plaque au bras, marchaient